Editorial 2013

du bulletin de la Société des Amis des Monuments Rouennais.

cathédrale Quelle joie de pouvoir contempler ce que des générations de Rouennais n’avaient pu voir de longtemps : la façade ouest de la Cathédrale rendue à sa blancheur originelle, avec cet éclat de la pierre, pour peu que le soleil soit de la partie, qui fait surgir sous les pinacles retrouvés tout un peuple de saints ou de prophètes… Sans parler du spectacle magique animant chaque soir ce massif minéral dont Monet s’était évertué à saisir les effets changeants selon les heures du jour et les caprices du ciel, cela, avouons-le, méritait pleinement, même sans article spécifique dans le présent Bulletin (1), que l’on consacre sa couverture au monument majeur de notre ville ainsi transfiguré.

Quelle satisfaction également de voir enfin la flèche retrouver ses quatre clochetons, compagnons nécessaires à son harmonie. Le Hangar 108, où s’était effectuée leur remise en état (2), gardait encore quelques beaux exemples des ornements de cuivre refaits à l’identique pour cette restauration lorsque, à l’occasion de l’Armada, il a servi de cadre à une remarquable exposition, initiée par la DRAC de Haute-Normandie et mise en scène par Stéphane Rioland, pour marquer le centenaire de la loi de 1913 sur les monuments historiques. C’est là aussi, on le notera, le thème retenu pour les Journées du Patrimoine de 2013, et c’est par là que s’ouvrira notre cycle de conférences AMR, avec l’intervention de M. Lionel Dumarche, collaborateur de M. Emmanuel Pous à la Conservation régionale des Monuments historiques.

Romé Tout n’est, certes, pas toujours aussi réjouissant. Au titre des déceptions, comment ne pas dire la triste impression que laisse l’hôtel Romé, non seulement mis en pénitence dans la cour intérieure du nouvel Espace Monet, mais pis encore coiffé d’une sorte de tchador, comble essenté d’ardoises qui ne fait que plus regretter le second étage de ce bâtiment Renaissance, démonté puis perdu au fil des tribulations subies, depuis la guerre, par ce monument classé. Quant à la façade dudit Espace Monet place de la Cathédrale, bornons-nous charitablement à dire qu’on a de sa terrasse une belle vue sur le Jardin d’Albane restitué…

Vertus Au titre des inquiétudes, trois projets qui, pour répondre au souhait municipal de densification de l’espace bâti urbain, n’en mettent pas moins en cause les monuments voisins. Notre site internet y a fait écho, signalant, à côté du Donjon, la démesure d’un projet d’hôtel qui risque d’écraser ce seul vestige du château de Philippe Auguste. De même pour le massif parallélépipède qu’on envisage d’implanter rue de La Rochefoucauld et dont les 19 mètres de hauteur annoncés occulteront pour l’essentiel l’agréable vue qu’on avait, depuis la gare, sur l’église Saint-Romain. Enfin, rue du Ruissel, la construction prévue d’un vaste ensemble immobilier (70 logements) à la place d’une ancienne maison de retraite met directement en péril le beau « Pavillon des Vertus », petit chef-d’œuvre de la Renaissance, que les précautions maximales exigées par l’Architecte des Bâtiments de France n’empêcheront peut-être pas d’être - lui aussi - démonté ou défiguré par son nouvel environnement. Sur ces trois points sensibles, la plus grande vigilance est de mise et notre Commission de sauvegarde n’y manquera pas. Evoquerons-nous aussi, même si cela relève plus de la voirie que du patrimoine, le triste état de nombre de nos rues dont les touristes, accourus en foule pour la superbe Armada, risquent de retenir surtout les multiples nids de poule, fruits de deux hivers sans réparations, et les pavés trop souvent déchaussés ?

Court Il y a heureusement des points plus positifs qu’il convient de souligner pour finir. Outre l’exemplaire chantier de Saint-Maclou, que saluera une de nos conférences suivie d’un dossier spécial dans le Bulletin de 2014, citons l’effort louable, après tant d’années d’impéritie, pour remédier à la dégradation du Cimetière Monumental, avec notamment la reconstitution, par le sculpteur Robin, du buste volé il y a vingt ans du grand peintre Joseph Court. Les AMR se sont bien volontiers associés au travail d’une active Commission des cimetières animée par Guy Pessiot. Ils ont proposé une liste de monuments funéraires à restaurer, obtenu d’utiles élagages et contribué à la création de panneaux affichant aux entrées du Monumental la liste des célébrités qui y sont inhumées et l’emplacement de leur tombeau. Ils participent de même à l’opération similaire engagée, en vue du Centenaire de 1914, au cimetière franco-britannique Saint-Sever où, beaucoup de Rouennais l’ignorent, se dresse le monument aux morts de la Ville.

Saint-MaclouLes AMR ont été présents aussi dans les groupes de réflexion invités à débattre des aménagements projetés de l’Aître Saint-Maclou après le départ prévu de l’Ecole des Beaux-Arts : un important chantier à venir, auquel nul ne saurait rester indifférent et dont nous aurons sans nul doute à suivre les développements.

Terminons sur le grand travail collectif qui aura retenu longuement plusieurs d’entre nous : la préparation d’un nouvel ouvrage complétant, après les Hôtels particuliers puis les Demeures du XIXe siècle, le panorama du bâti rouennais. Il s’agit cette fois des Maisons à pans de bois dont, après tant d’articles isolés de notre Bulletin et tant de visites ponctuelles dans quelque vieux quartier, on trouvera enfin une présentation d’ensemble à la fois historique et technique assortie, au fil de nos rues, d’une description très abondamment illustrée. Un bel ouvrage encore, et une lecture à ne pas manquer !

 

Jean-Pierre CHALINE, Président

 

Notes :
1) Voir l’article de Thierry Garret, « Les restaurations en cours de la Cathédrale », Bulletin des Amis des monuments rouennais, 2012.
2) Voir l’article de Françoise Marchand, « La restauration des clochetons de la cathédrale de Rouen », ibidem.

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