Editorial 2016

du bulletin de la Société des Amis des Monuments Rouennais :vieille maison

• 2016 : les A.M.R., fondés en 1886, ont donc 130 ans. Un bel âge pour une association au dynamisme jamais démenti, dont aujourd’hui témoignent, outre un programme nourri de conférences et visites, tant l’activité de sa Commission de sauvegarde ou de «Connaître Rouen» que le nombre et la qualité de ses publications. Parmi ces dernières, signalons d’ailleurs la préparation en cours d’un nouvel ouvrage consacré, cette fois, aux Eglises et chapelles de Rouen : un autre aspect de notre patrimoine urbain, sur lequel on peut s’étonner qu’il n’y ait jamais eu de véritable étude d’ensemble. En l’attente de sa sortie en 2017, faisons présentement le point sur nos satisfactions et aussi sur nos inquiétudes quant au sort de nos monuments rouennais.

chap C orneille C’est à coup sûr avec bonheur que l’on a pu saluer, après un long chantier, l’achèvement des travaux menés par la Région pour faire de la chapelle du lycée Corneille un vaste auditorium respectueux du passé et de l’esprit des lieux. Ne regrettons pas, dès lors, les objections que dans sa sagesse la Commission supérieure des monuments historiques avait pu exprimer face aux premiers projets. Le résultat fait l’unanimité, tant pour le soin apporté aux restaurations que pour l’étonnant luminaire dont la taille avait pu inquiéter et qui, plus discret finalement qu’on pouvait le craindre, contribue à améliorer l’acoustique. Un superbe cadre, donc, pour des concerts variés.carillon

• Autre sujet de satisfaction, le retour du carillon de la Cathédrale, qu’on avait perdu l’habitude d’entendre et qui, remonté dans la tour Saint-Romain en même temps que les cloches restaurées par l’entreprise Paccard d’Annecy, va refaire de Rouen une cité sonnante comme celles du Nord, pour le plus grand plaisir des habitants et des touristes.

respectC’est un grand espoir aussi qu’a soulevé l’annonce d’une restauration prochaine de l’Aître Saint-Maclou, cet exceptionnel et fragile ensemble funéraire du temps de la Renaissance, échappé on ne sait comment aux infortunes de l’Histoire mais laissé depuis trop longtemps dans un triste état de dégradation. Que la Métropole Rouen-Normandie, avec le concours de la Région, ait décidé d’y consacrer un budget substantiel était une heureuse nouvelle pour les A.M.R. qui avaient auparavant participé très activement à l’enquête préalable menée sur le sujet en 2013 par le cabinet ABCD. Or certains projets d’utilisation de l’Aître annoncés par la presse locale nous ont sérieusement inquiétés, laissant craindre un usage commercial et privatif des lieux. Et que dire des kermesses, même au demeurant sympathiques, ou des innovations «acousmatiques» à trente hautparleurs par lesquelles on a cru, en juin, pouvoir transformer en guinguette ce qui était et reste un cimetière, café Coutureenclos sur trois de ses côtés d’ossuaires au décor on ne peut plus expressif. On trouvera donc dans ce numéro à la couverture, volontairement, très significative un ample dossier relatant les démarches entreprises par notre association, reproduisant les lettres envoyées à la Métropole ou reçues en réponse à nos interventions, et rassemblant enfin une large documentation sur l’Aître hier, aujourd’hui, demain. Deux séances de notre programme de conférences 2016-2017 y seront également consacrées, permettant une meilleure connaissance des lieux et l’ouverture d’un débat avec l’assistance sur l’usage de ce monument appelé à devenir un des principaux attraits de notre cité.

• Parmi d’autres sujets suscitant notre vigilance, retenons notamment, avec la démolition de l’ancienne résidence du Ruissel à laquelle il était accolé, le devenir du charmant « Pavillon des Vertus », simple façade en fait, fragilisée par ces travaux, dont on espère bien qu’il retrouvera dans le nouvel ensemble immobilier la place qui revient à un monument classé.

• Tel n’a pas été, hélas, rive gauche, le cas pour la belle maison de maître de la rue Octave Crutel, détruite sans véritable justification avec, seul écho à nos véhémentes protestations, l’assez vaine promesse d’un possible placage de son monumental fronton sur une façade de béton…

• Qu’en sera-t-il, alors, de ces deux églises désaffectées dont nous nous inquiétions dans notre précédent Bulletin ? L’occupation inattendue de Saint-Nicaise aura au moins montré que la population n’est pas indifférente au sort d’un édifice laissé à l’abandon en attendant les offres de quelque promoteur… Quant à l’église Saint-Paul, progressivement vidée de son mobilier, ne pourrait-elle trouver sa place dans l’un de ces « 40 projets pour réinventer la Seine », en tant qu’élément phare à l’entrée est de la ville et au cœur d’un ensemble paysager incluant l’ex-école Buquet et, au bord du fleuve, l’ancien bâtiment thermal du XVIIIe siècle ? Les A.M.R. qui, déjà dans leur Bulletin de 2009, leur avaient consacré un dossier détaillé présenteront un projet en ce sens au concours ouvert pour cette opération.

rochefEnfin, nous avons dit mainte fois et nous ne pouvons que répéter notre désapprobation face au remplissage programmé, par des constructions disproportionnées, du moindre espace disponible dans le centre-ville, fût-ce à côté d’un monument classé. Si rien n’a encore bougé sur le vaste terrain contigu au Donjon, où des fouilles ont pu récolter une moisson d’objets jadis jetés là, par-delà les murailles, l’affichage d’un permis philipponde construire à côté de Saint-Romain a de quoi navrer tous ceux qui connaissent cette remarquable église dont l’inscription à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques a été demandée. On peut, parallèlement, s’interroger sur le sort futur de deux beaux bâtiments désormais en déshérence : le Palais des Consuls, édifice emblématique de la Reconstruction, et la caserne Philippon, un ancien séminaire du XVIIe siècle. Plutôt que de s’acharner à bâtir à neuf au ras de monuments qui s’en trouveront masqués ou dévalorisés, ne pourrait-on, plus intelligemment, s’attacher à reconvertir de tels éléments de notre patrimoine urbain ?

Jean-Pierre CHALINE, Président

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